Suppression de 262 gares FRET : Interview de Didier LE RESTE au journal l'HUMANITE en date du 20.08.07

Publié le par pas62

Suppression de 262 gares FRET : Interview de Didier LE RESTE au journal l'HUMANITE en date du 20.08.07 - (20/08/2007)
  Interview et carte reproduites avec l'aimable autorisation du journal l'HUMANITE.

Vous venez d’adresser aux médias une liste de 262 gares qui seront fermées au wagon isolé à compter du 30 novembre prochain. De quoi s’agit-il ?

Didier Le Reste. Tout d’abord, je tiens à souligner que cette liste officielle ne nous a pas été remise par la direction de la SNCF. Cette liste qui s’inscrit dans une profonde restructuration a non seulement été décidée sans aucune concertation avec les organisations syndicales mais également sans véritables débats avec les collectivités locales et les territoires concernés. Cette façon de faire est symptomatique de la dégradation de la qualité du dialogue social dans l’entreprise sous la présidence de Madame Idrac. Des décisions impactant lourdement l’avenir de l’entreprise sont prises en catimini, dans la plus grande opacité. Un comble au moment où sous prétexte d’améliorer le dialogue social, le gouvernement fait adopter une loi sur le service minimum. Une nouvelle fois, nous sommes mis devant le fait accompli par la direction qui tente de limiter notre rôle à la validation et l’accompagnement de ces choix stratégiques.

Cette décision de fermer 262 gares au trafic fret dit du wagon isolé est un des éléments de la stratégie de la direction pour tenter de retrouver l’équilibre financier au niveau du fret non en relançant l’activité mais en réduisant les coûts de production et en particulier les charges salariales. Elle s’inscrit dans le prolongement du plan fret (2004-2006) dont l’objectif était de réduire les capacités de production en fermant des gares, des triages et en supprimant 7000 emplois. Cette stratégie vise à limiter l’activité fret à la seule satisfaction des besoins des gros chargeurs considérés comme les marchés les plus rentables. Autrement dit, la puissance et les financements publics sont mis au seul service des grands groupes privés au détriment des besoins de transport du plus grand nombre. Il faut noter que cette stratégie que la direction entend poursuivre aujourd’hui avec ces nouvelles fermetures, est responsable de la dégradation des résultats de fret SNCF. Nombre de marchés ont été perdus ces dernières années car en fermant gares et triages, l’entreprise s’est elle-même privée des moyens d’y répondre. La direction a d’ailleurs mis en avant cette raison pour justifier la décision d’un récent conseil d’administration de faire dorénavant transporter 300 000 tonnes annuellement de matériel nécessaire à ses propres chantiers par la route. Cette décision va jeter 8000 camions supplémentaires sur les axes routiers.

Concrètement si la restructuration du wagon isolé est mise en oeuvre, les entreprises qui expédient leur production depuis ces 265 gares ou celles qui projettent de les utiliser, ne pourront plus dorénavant le faire. C’est un mauvais coup supplémentaire porté à la capacité de la SNCF de répondre à la croissance du trafic marchandise estimé à plus de 40% d’ici à 2020. Du point de vue environnemental et de la nécessité de réduire le fret routier, c’est une aberration. C’est également un non-sens sociétal et économique. Faut-il rappeler que l’installation ou le maintien d’une activité économique sur un territoire dépend de la qualité des dessertes notamment ferroviaires dont il bénéficie. La technique du wagon isolé qui complète en terme d’offre à celle des trains massifiés, consiste à constituer des convois composés de wagons affrétés par différents chargeurs, est appelée à se développer. Elle répond, en effet, à la diversification des productions industrielles qui font que la marchandise se transporte de plus en plus en petits ou en lots moyens. Les grands chargeurs, eux-mêmes, commencent à y recourir souvent.

Dans un communiqué, la Sncf relativise la portée de la fermeture au wagon isolé de 265 gares en affirmant que ses clients pourront se reporter sur d’autres gares…

Didier Le Reste : Il faut cesser de nous prendre pour des imbéciles. Cette rhétorique relève de l’escroquerie intellectuelle. Elle vise à rassurer une opinion publique qui n’est pas spécialiste de la question. Les professionnels ne sont pas dupes. Bien sûr, quelques grandes entreprises continueront à utiliser le transport ferroviaire mais le plus grand nombre ne pourra plus y recourir.

Vous avez rencontré en juillet le gouvernement, qu’attendez-vous de ce dernier ?


Didier Le Reste.
La puissance publique doit intervenir. La SNCF n’est pas la propriété d’une technostructure uniquement préoccupée de rentabilité financière et qui met à mal l’outil de production en fermant des installations financées par la collectivité. La SNCF appartient à la Nation. C’est pourquoi la CGT revendique un véritable débat national sur l’avenir de la SNCF et de ses activités et en particulier celle du fret. Nous prenons au mot le gouvernement et le président de la République qui affirment vouloir réduire en cinq ans de 25% la part du transport routier de marchandise. Mais pour l’instant, force est de constater que les actes contredisent les déclarations. Cela nous fait craindre que le Grenelle de l’environnement prévu à l’automne ne soit sur cette question qu’un cosmétique.

Que proposez-vous pour relancer l’activité fret ?
Didier Le Reste : Contrairement à ce que prétend la direction de la SNCF, la densité du réseau national est un atout et non un handicap. Couplée à la politique de volume que nous défendons, elle peut permettre de marginaliser les coûts fixes. Quand la direction dit que si l’on atteint le niveau 65 milliards de tonnes/kilomètres par an, l’activité sera à l’équilibre alors nous lui répondons : Chiche ! Nous proposons d’atteindre, d’ici cinq ans, 50 milliards de tonnes/kilomètres. Cela représenterait 9 milliards de tonnes supplémentaires et une progression du chiffre d’affaires de 400 millions d’euros.

Comment réagirez-vous si vous n’êtes pas entendu ?

Didier Le Reste : Si rien ne bouge. Si aucun débat ne s’ouvre à la rentrée. Si la direction persiste à ne pas examiner sérieusement les propositions des organisations syndicales et à nous considérer comme une simple caisse enregistreuse de décisions prises en catimini et unilatéralement, il y aura mobilisation et cela quelle que soit la période.


Propos recueillis par Pierre Henri LAB

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