Le CNE condamné en appel (article de la NVO du 130707)

Publié le par pas62

Le CNE condamné en appel La cour d'appel de Paris vient de confirmer que le contrat « nouvelles embauches » (CNE) est contraire à la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) en raison de la durée de la période de consolidation de deux ans qui est excessive au regard des régies internationales.


 Explications.

Le contrat nouvelles embauches (CNE) créé par l'ordonnance du 2 août 2005 a pour principal effet de permettre à l'employeur, dans les entreprises jusqu'à 20 salariés, de licencier un salarié sans motif pendant une période de deux ans dite « de consolidation de l'emploi » et ce, moyennant des formalités simplifiées. Un abondant contentieux s'est développé depuis lors, notamment à l'initiative de la CGT, dont la NVO a régulièrement rendu compte.

 On se souvient que, saisi par une salariée suite à la rupture brutale de son CNE, le conseil de prud'hommes de Longjumeau (91) avait jugé le 28 avril 2006 que le CNE était contraire à la convention n" 158 de l'OIT, laquelle exige notamment de l'employeur «un motif valable » pour rompre le contrat (art. 4). Il avait requalifié le CNE en contrat à durée indéterminée de droit commun en estimant que, même si la convention de l'OIT permettait de déroger pendant une certaine période à l'obligation de motiver la rupture, la durée de deux ans retenue pour le CNE était déraisonnable (i).

La cour d'appel de Paris vient de confirmer ce jugement.

 C'est principalement sur le caractère déraisonnable ou non de la période de deux ans que sa décision était attendue. Pour la CGT, le CNE doit être abrogé La CGT s'est félicitée de l'arrêt de la cour d'appel de Paris et du désaveu infligé au gouvernement confirmant la légitimité des critiques portées sur ce type de contrat. Elle déclare que « le gouvernement serait bien avisé de s'appuyer sur ce jugement pour prendre la décision d'abrogation du CNE». Elle revendique que tous les contrats de travail en CNE actuellement en cours soient transformés en CDI classiques. Elle estime enfin que «ce jugement résonne comme un avertissement à tous ceux qui, du côté du gouvernement ou du patronat, seraient tentés de réformer le contrat de travail à partir de caractéristiques calquées sur le CNE (allongement de la période d'essai, licenciements plus rapides et plus faciles pour les employeurs, affaiblissement des possibilités de recours des salariés...)".

La bataille contre le CNE se poursuit devant les tribunaux avec succès. La cour d'appel a d'abord réaffirmé l'application directe en droit interne de la convention n° 158 de l'OIT ainsi que la compétence du juge judiciaire pour examiner la conformité de l'ordonnance à la convention et, le cas échéant, en ,; écarter l'application. « Elle a par ailleurs rap-: pelé que la convention = reconnaît la possibilité pour une législation nationale d'exclure du champ d'application de l'ensemble ou de certaines de ses dispositions certains travailleurs, notamment ceux effectuant une période d'essai ou n'ayant pas la période d'ancienneté requise, à condition que celle-ci soit fixée d'avance et qu'elle soit raisonnable.

Ce point étant essentiel, elle considère que le délai de deux ans retenu par le législateur français pendant lequel le droit du licenciement est temporairement écarté est déraisonnable.


Selon les juges, «durant une période de deux années, le contrat nouvelles embauches prive le salarié de l'essentiel de ses droits en matière de licenciement, le plaçant dans une situation comparable à celle qui existait antérieurement à la loi du i) juillet 197) et dans laquelle la charge de la preuve de l'abus de la rupture incombait au salarié. Pour la cour, il s'agit d'une régression qui va à l'encontre des principes fondamentaux du droit du travail, dégagés par la jurisprudence et reconnus par la loi, et qui prive les salariés des garanties d'exercice de leur droit au travail ». La cour ajoute «que dans la lutte contre le chômage, la protection des salariés dans leur emploi semble être un moyen au moins aussi pertinent que les facilités données aux employeurs pour ks licencier et qu'il est pour le moins paradoxal d'encourager les embauches en facilitant les licenciements ». Enfin, elle relève qu'« aucune législation de pays européens, comparables à la France, n'a retenu un délai aussi long durant lequel les salariés sont privés de leurs droits fondamentaux en matière de rupture du contrat de travail (2)».

- Double revers

C'est un double revers que subit ainsi le pouvoir :

 - échec sur le fond, car le CNE apparaît contraire aux engagements internationaux de la France ;
- échec sur la forme, car il avait tout fait pour éviter que la cour d'appel examine l'affaire ; on se souvient que le préfet de l'Essonne avait, le 31 octobre 2006, estimé que le juge judiciaire n'était pas compétent pour se prononcer sur le contenu de l'ordonnance du 2 août 2005, décision qui avait été annulée par le tribunal des conflits le 19 mars 2007, ce que souligne la cour pour affirmer sa compétence.

On notera enfin que la cour d'appel est allée plus loin que le conseil de prud'hommes en jugeant que le CNE lui-même est contraire à la convention de l'OIT tant sur le plan de la motivation du licenciement que sur celui du respect des droits de la défense.

Nous reviendrons dans nos pages juridiques sur ces différents points.»

 LAURENT MILET (1)

CPH Longjumeau, 28 avril 2006, De Wee '/Samzun, RP0S2006, n' 733, p. 165, disponible sur www.librairie-nvo.com (2) Appel Paris, 6 juillet 2007,18- cb. E, Samzun '/De Wee, n* S 06/06992. 13 juillet 2007 I La Nouvelle Vie Ouvrière 1 i

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