Interview de Didier Le Reste, secrétaire général des cheminots CGT parue dans Le Monde du 17 juillet 2007

Publié le par pas62

"Essayer de rendre impossible la grève dans les transports est contre-productif, dangereux" : Didier Le Reste (17/07/2007) Interview de Didier Le Reste, secrétaire général des cheminots CGT parue dans Le Monde du 17 juillet 2007

Le Monde : Le projet de loi sur le service minimum dans les transports est discuté au Sénat à partir de mardi 17 juillet. Quels amendements avez-vous proposés ?


Didier Le Reste : La CGT a rappelé que ce projet de loi était inutile. Nous avons utilisé tous les leviers pour nous faire entendre. Et toutes les organisations syndicales sont unanimes, nous n'avons pas été écoutés.Pourtant, le gouvernement nous avait dit qu'il était disponible pour nous recevoir et traduire nos contre-propositions en amendements. C'était de l'affichage politique. Si j'en crois le texte qui sort de la commission spéciale du Sénat, nos propositions n'ont pas été prises en compte. Nous avons contacté les groupes politiques et nous espérons que nos amendements seront portés par les élus de l'opposition.

LM :Quels points du texte posent problème ?

DLR : Le projet de loi ne répond ni à l'amélioration du service pour les usagers ni à une meilleure prévention des conflits. Sur ce dernier point, nous avons fait des propositions pour donner plus de moyens aux représentants des salariés dans les différences instances, notamment là où il y a absence de dialogue. Et nous proposons l'application de la règle des accords majoritaires.
La déclaration quarante-huit heures avant un conflit par le salarié de son intention de se mettre en grève constitue une remise en question fondamentale d'un droit individuel.
Le référendum à bulletin secret au bout de huit jours est contre-productif. Cela va dégrader les relations entre syndicats, entre grévistes et non-grévistes, entre salariés et encadrement...
Je compte proposer des consultations à bulletin secret sur d'autres sujets comme la réorganisation du fret à la SNCF. Et on verra bien que c'est le droit de grève le seul visé par la loi.


LM : Craignez-vous que le texte soit durci par les parlementaires et encadre plus le droit de grève ?


DLR : Il faut savoir ce que l'on veut, améliorer le dialogue social et la prévention des conflits, la qualité du service public au quotidien ou casser le droit de grève. Il faut que le gouvernement ait le courage de sa politique et de ses opinions.


LM : Allez-vous déclencher une grève contre le service minimum ?

DLR : Si les organisations syndicales sont unanimes contre le texte, elles doivent le manifester ensemble. La CGT a proposé une journée de mobilisation nationale le 31 juillet quand le texte sera discuté par les députés. Nous souhaitons que cela soit unitaire.
Cela dit, tout ne sera pas terminé avec le débat parlementaire. Il faudra négocier dans les entreprises. Il est clair que si ceux qui veulent s'attaquer au droit de grève radicalisent leur démarche, cela rendra quasi impossible toute négociation.
Pour les cheminots, tout est lié, la question du droit de grève, celle de la future réorganisation du fret avec des fermetures de gares de triage et quelque 7 000 licenciements annoncés, la question des régimes spéciaux de retraite, etc.


LM : Ne risquez-vous pas de vous mettre à dos une opinion publique favorable au service minimum dans les transports ?

DLR : On ne peut pas découvrir l'usager seulement en temps de grève. Les grandes fédérations d'usagers disent que leur première préoccupation n'est pas le service minimum, mais les retards, les problèmes techniques...
La conflictualité a beaucoup baissé et n'est pas la priorité. Il reste sans doute des exigences de la part des usagers vis-à-vis de la SNCF et des cheminots. Mais il faut se replacer dans le cadre de ce qu'est un conflit. Il y a un rapport de force à établir pour les salariés avec des conséquences, des inconvénients pour les usagers. Nous ne sommes pas des "gréviculteurs" professionnels. Cela dit, essayer de rendre impossible la grève dans les transports est contre-productif, dangereux. Ce n'est pas en cassant le thermomètre que l'on fera baisser la température.

Propos recueillis par Rémi Barroux
Article paru dans l'édition du 17.07.07.

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